Le Mali, le Burkina Faso et le Niger traversent actuellement une période charnière. Tiraillés entre les enjeux économiques et les défis sécuritaires, ces pays ont besoin, plus que jamais, d’un soutien partenarial win-win et non d’un soutien paternaliste opportuniste pour qu’ils prennent enfin leur envol vers une souveraineté politique et économique.
Ali Hagrouri
Il est inutile de rappeler, qu’à l’instar des pays africains riches, la « malédiction des ressources » s’applique aussi aux pays du Sahel central. Cette zone, bénie par la nature, a toujours suscité la convoitise des pays industriels qui n’hésitent nullement à déployer des stratégies et des stratagèmes pour s’accaparer ses richesses spécialement minières. Il faut avouer que les statistiques parlent d’elles-mêmes : avec près de 70 tonnes d’or extrait de son sous-sol en 2021, le Mali est le 3ème producteur d’or en Afrique. Le Niger se positionne au peloton de tête des plus grands producteurs d’uranium (4ème) et détient la 6ème plus grande réserve. En plus de l’or, le Burkina Faso dispose d’un gisement de manganèse de niveau mondial.
Cependant, les ressources ne sont pas les seules sources qui créent les tensions et les conflits au Sahel central. La région est au cœur de réseaux terroristes et criminels bien implantés qui alimentent l’insécurité, à travers des actions violentes et des trafics illégaux en tout genre. De plus, ces pays sont frappés de plein fouet par le dérèglement climatique qui met à rude épreuve leur sécurité alimentaire.
La conjonction de tous ces facteurs d’instabilité a rendu cette partie du Sahel une chaudière qui a récemment fini par exploser à coup de coups d’état. Si certains observateurs prédisent que les pays de cette région ne sortiraient pas de sitôt de ce nouveau chapitre de leur histoire qualifié d’hasardeux, il semblerait, à l’inverse, que ces pays ont pris le bon cap pour sortir le plus vite possible de la zone de turbulence et prendre enfin leur destin en main.
- Un nouveau regroupement régional
La nature ayant horreur du vide, le départ de l’ancien colonisateur est progressivement comblé par les russes, turques et chinois qui avancent leurs pions dans les pays du Sahel central. Dès lors, on a pensé que l’histoire allait se répéter avec ces nouveaux partenaires qui allaient les recoloniser mais autrement, sans utiliser d’armes pour étouffer les soulèvements populaires et sans user de leur soft power pour déculturer les masses. Mais la menace d’intervention militaire de la CEDEAO contre la junte militaire au Niger pour rétablir son Président déchu a brusquement changé la donne géopolitique. Elle a précipité l’émergence du sentiment de sécurité collective de ces trois pays qui a donné naissance, le 16 septembre 2003, à l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Si cette structure privilégie, pour l’instant, la défense mutuelle en cas d’agression, elle ambitionne de créer une union économique et monétaire et de migrer vers une forme de regroupement plus évoluée, à savoir la confédération. En tous cas, le retrait de l’AES de la CEDEAO semble irréversible et l’aiguille davantage dans sa trajectoire d’autonomie sous-régionale.
- Un nouveau partenariat stratégique
Etant donné leur enclavement géographique, un des handicaps structurels auquel fait face les pays du Sahel central pour booster leurs échanges commerciaux est l’absence de voies maritimes pour l’exportation de leurs ressources et productions de manière idoine. C’est dans ce contexte que l’Initiative Atlantique pour le Sahel, portée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans le cadre de sa vision prônant une coopération dynamique Sud-Sud en général et dans l’espace atlantico-sahélien en particuliers, est tombée à point nommé pour soutenir ces pays dans le développement de leurs économies. Cette Stratégie Royale Atlantique, visant à favoriser l’accès de ces pays à l’océan atlantique via le port de Dakhla, renforcera non seulement l’intégration économique des pays du Sahel central mais les préparera également à s’engager efficacement dans la zone de libre-échange continentale africaine. Joignant l’acte à la parole, une task force est déjà à pied d’œuvre pour proposer les voies d’opérationnalisation de l’Initiative Royale dans une démarche inclusive et participative.
Concernant l’objectif poursuivi par le Maroc à travers cette Initiative, Mr Omar Hilale, représentant permanent du Royaume du Maroc auprès des Nations Unies, a tenu des propos on ne peut plus clair lors son intervention à la 3ème édition du Forum annuel MD Sahara tenu à Rabat le 10 mai 2024 : « … Si le couloir vers la mer est une cause de conflictualité en Afrique de l’Est, l’Initiative Atlantique de Sa Majesté le Roi va le transformer au Sahel en un facteur de paix, de stabilité, de coexistence et de développement … Cette initiative s’adresse aux causes profondes de la fragilité de la région à travers le renforcement de la résilience de ses populations et la stabilité politique de ses Etats fondée sur la communauté de destin, la coopération et la focalisation sur les meilleurs facteurs de développement et ce en s’éloignant de tout paternalisme ou ingérence dans les choix stratégiques de ces pays … ».
Pour enfoncer davantage le clou, le 21 juin 2024, dans un point de presse conjoint à l’issue de son entretien avec le ministre des Affaires étrangères , de la Coopération régionale et des Burkinabè de l’extérieur du Burkina Faso, Mr Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, a dénoncé clairement la politique de dénigrement adoptée par ceux qui refusent d’accepter ou d’assimiler la portée stratégique de cette Initiative en affirmant que : « … Le Royaume est contre l’ingérence étrangère dans les affaires des pays du Sahel et les politiques des donneurs de leçons et de ceux qui considèrent que, étant donné qu’ils ont des frontières avec le Sahel, ils peuvent opter pour une politique de chantage… ».
Et ce n’est certainement pas le projet chimérique de culture de poudre de lait qui pourrait faire de l’ombre à l’Initiative Atlantique Royale !