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FrancAfrique, ChinAfrique, RussAfrique: chacun son style pour exploiter l’Afrique.

Dans toutes les expressions matérialisant ses relations aussi bien avec les puissances classiques qu’émergentes, l’Afrique est placée péjorativement en « suffixe ». Ces formulations, à priori anodines, nous donne pourtant un avant-goût de la nature déséquilibrée de ses relations qui n’est nullement anodine.

Convoité depuis des siècles, le continent africain, peuplé de 1,3 milliards d’habitants, soit le deuxième continent le plus peuplé après l’Asie, est très riche en ressources naturelles. Les nouvelles puissances, telle que la Chine, ne cachent pas leurs objectifs qui consistent à se rapprocher et exploiter l’Alkebulan moderne. Sans oublier le Kremlin de Mr Poutine qui combat l’influence occidentale et qui a subtilisé celle des français. Cette dernière ne tient qu’à quelques fils, en grande partie grâce à la francophonie, qui fait débat également.

FrancAfrique, le début de la fin.

Au moment où une junte militaire renverse le président nigérien Mr Bazoum le 26 juillet dernier, Mr Macron se trouvait à 18 000 kilomètres de là, à Nouméa, pour clamer que « la Nouvelle-Calédonie est française ». Ce coup d’État au Niger est révélateur de ce qu’est devenue l’image de la France en Afrique, tant dans les pays du Maghreb que dans ceux de l’Afrique francophone subsaharienne. Ce coup d’État au Niger, le cinquième en deux ans au Sahel, est un clou de plus dans le cercueil des ambitions françaises dans la région.

Tout a basculé en 2011 avec l’intervention en Libye déclenchée par Mr Sarkozy et Mr Cameron. Outre la mort de Mr Kadhafi dans des circonstances confuses, cette intervention, illégale au regard du droit international, a complètement déstabilisé la région et provoqué des vagues d’immigration déferlant sur l’Europe. Une grande quantité d’armes de l’ex-colonel fût pillée pour se répandre dans les pays voisins. Le chaos libyen déstabilisa l’ensemble du Sahel. Par conséquent, à partir de 2013, la France lança une deuxième guerre, se portant en tant que défenseur du Sahel pour tenter de réparer les conséquences de la première et exploiter la région africaine à sa manière (ressources naturelles dont l’uranium nigérien).

L’opération Barkhane, déployée au Sahel où elle traquait les groupes armés salafistes djihadistes, a créé des attentes impossibles à satisfaire. La présence française, perçue comme un résidu d’ingérence coloniale, a soulevé les opinions publiques contre elle. Certes, l’opération a éliminé environ 3000 combattants djihadistes au cours des neuf dernières années, mais les groupes armés terroristes ont proliféré jusqu’à essaimer dans les pays du golfe de Guinée. Leurs combattants se sont multipliés et se comptent par milliers aujourd’hui. La France a gagné toutes les batailles, mais a perdu la guerre.

Que reste-t-il de l’aventure sahélienne de l’armée française ?  Après avoir été chassée du Mali en 2022 et du Burkina Faso en février 2023, l’armée française avait partiellement réinstallé ses troupes au Niger (près de 1500 militaires). Mais cette présence n’est plus voulue depuis que la junte a exigé le départ de ces militaires le plus vite possible. Il reste le Tchad, où l’armée française reste présente avec près de 1000 hommes. Cependant, les relations bilatérales ne sont plus les mêmes depuis que Mahamat Idriss Déby a succédé à son père sans égard pour la Constitution.

La dégradation de l’image de la France dans cette  partie du monde illustre parfaitement les paroles de Mr Mikhail Gorbatchev lorsqu’il affirmait que l’on a toujours tort d’être en retard sur l’Histoire. En l’occurrence, avec Mr Macron, la France n’est plus en retard, elle est descendue du train de l’Histoire. Jusqu’à Mitterrand qui était sensible à l’émancipation des anciennes colonies françaises et à Chirac animé par une certaine nostalgie du gaullisme, les relations entre les dirigeants, les peuples africains et la France étaient empreintes de respect et de cordialité, même si elles étaient aussi entachées de paternalisme néocolonial.

L’arrivée de Mr Macron en donneur de leçon sur tout, en voulant imposer ses prétendues ‘’valeurs occidentales’’ a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Chacun doit respecter les valeurs des autres. Vouloir agir autrement n’a eu pour effet que de rapprocher les pays du Sahel de la Russie. Mr Macron a grandement facilité la tâche de Mr Poutine qui, en fin stratège, a ouvert un deuxième front en Afrique pour « punir » la France de son soutien actif à l’Ukraine. Résultat : les populations qui naguère brandissaient des drapeaux français agitent désormais des drapeaux russes.

RussAfrique, un partenariat de substitution.

L’influence russe semble particulièrement viser la France dans les pays francophones et profite du ressentiment anti-français notamment au Mali et au Burkina Faso grâce à une propagande médiatique anti-coloniale. La relation Russie – Afrique ne date pas d’aujourd’hui. En effet, pendant l’ère soviétique, l’URSS a su se placer du côté des opprimés en soutenant l’ANC pendant l’apartheid en Afrique du Sud et en nouant des relations avec le Mali la même année où ce dernier accède à son indépendance. D’ailleurs, l’actuel premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga a été diplômé à Moscou.

La nouvelle stratégie russe en Afrique est bicéphale. La Russie use à la fois d’acteurs officiels et d’acteurs non étatiques. Parmi ces derniers, le fameux groupe Wagner qui a débuté son aventure en Afrique en 2017 dans un contexte de coopération militaire et sécuritaire avec le régime soudanais de Mr Omar El Béchir. Puis au fil des années, ils se sont établis en Centrafrique, Mali et finalement au Burkina Faso. Toujours dans un cadre de coopération militaire et sécuritaire, la Russie a pour objectif de devenir le premier fournisseur d’armes en Afrique pour étendre son influence.

La Russie a pu dépasser l’influence française grâce à son image de protecteur contre l’impérialisme occidental. Elle propose une alternative aux pays africains avec des partenariats militaires et économiques concrétisés lors de Sommets tel que celui organisé en juillet dernier à Saint-Petersburg.

Force est de constater que la méthode russe a porté ses fruits. En effet, le 2 mars 2022, lors du vote de l’Assemblée Générale des Nations Unies condamnant l’agression russe en Ukraine, la moitié des pays n’ayant pas soutenu le texte étaient africains (17 abstentions sur 35, un vote contre), alors que 8 États du continent n’ont même pas pris part au vote.

ChinAfrique, une prédation silencieuse

Depuis le début des années 2000, le continent africain est tombé dans la mire du Parti communiste chinois qui y voit une formidable réserve de ressources naturelles et un bloc politique déterminant pour faire pencher l’ONU en sa faveur. À travers des prêts importants aux gouvernements d’Afrique, la Chine a trouvé la manière d’inverser des années d’influence occidentale.

Comme l’a déjà expliqué le président chinois Mr Xi Jinping : « C’est l’insuffisance des infrastructures qui est le plus grand obstacle au développement de l’Afrique». Réduire le manque d’infrastructures en Afrique a été l’objectif des précédentes colonisations mais il semble que la Chine soit la plus à même à atteindre le cœur de ce continent avec des chemins de fer, des autoroutes et des aéroports. Ce qui a joué en faveur des chinois est la rapidité et la manière de leur ascension. Les dirigeants africains ont conscience que la Chine se trouvait dans leur même situation il y a à peine 30 ans : un pays mineur dont l’économie était insignifiante au niveau mondial. La Chine a impressionné le monde en utilisant les infrastructures pour stimuler la croissance économique, multipliant par 10 leur PIB et devenant la deuxième économie mondiale.

Proposant de reproduire son même modèle en Afrique, la Chine, depuis 2011, a su devenir le principal acteur du boom des infrastructures dans ce continent. Les entreprises chinoises prennent réellement le contrôle du marché des projets d’infrastructure en Afrique. Cependant, avec plus de 200 milliards de dollars par an d’investissements, la Chine veut-elle mettre un piège de dette à l’Afrique ? Sachant d’avance que de nombreux pays africains ne seront pas en mesure de rembourser les énormes dettes liées aux chantiers d’infrastructures. Sur les 696 milliards de dollars de dette extérieure globale du continent, 12% sont dus à des créanciers chinois. Pire encore, selon le FMI, une vingtaine de pays africains sont en situation de surendettement vis-à-vis de la Chine avec un risque de non-paiement.

Quel gain donc pour la Chine ? La Chine a besoin des ressources africaines pour assurer sa stabilité économique et politique à long terme. A titre d’exemple, plus d’un tiers du pétrole consommé en Chine provient de l’Afrique qui possède également la moitié du stock mondial de manganèse, un métal essentiel pour la production d’acier. Rien que la République démocratique du Congo possède à elle seule la moitié des réserves de cobalt de la planète. En claire, les entreprises chinoises sont doublement gagnantes sur le sol africain : elles raflent les marchés de construction des infrastructures et s’accaparent les énormes ressources.

S’il est vrai qu’en Afrique les phares sont braqués sur la Russie et la Chine il y a d’autres puissances discrètes qui avancement silencieusement leurs pions en faisant valoir leur statut de non ancien colonisateur dans le continent. Ainsi, l’Inde, second créancier de l’Afrique, est en train de se positionner économiquement avec ses Forums Inde-Afrique et politiquement avec l’extension de sa présence diplomatique. C’est  » l’IndAfrique  » qui se profile à l’horizon. La Turquie, qui défend l’idée que les ressources de l’Afrique doivent revenir aux africains, n’est pas en reste dans son combat pour s’ériger en un partenaire politico-économique alternatif crédible prônant une approche win win sur le continent. C’est la  » TurquAfrique  » qui se cherche en Afrique.

Cette course aux partenariats avec l’Afrique est intéressante à suivre pour voir comment les différents intervenants vont dérouler le tapis rouge aux pays africains et surtout comment les pays du continent noir vont tirer profit de cette lutte d’influence.

 


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