La migration de certains pays francophones d’Afrique vers le Commonwealth nous interpelle quant à l’avenir de la Francophonie et, par extension, de la langue de Molière au regard d’une tendance politique africaine remettant en question les relations France-Afrique.
S’il est un dénominateur commun entre le Commonwealth et la Francophonie c’est bien leurs objectifs néocolonialistes au lendemain de la perte forcée de leurs empires coloniaux. Cependant et contrairement au Commonwealth, fondé sur une vision multidimensionnelle et évolutive, la Francophonie est bâtie surtout sur une approche culturelle où le maintien de la langue française dans les anciennes colonies est érigé en priorité, même si elle essaie, depuis une décennie, de se renouveler avec sa stratégie de la « Francophonie économique » toujours en berne.
Avec le changement de cap de certains pays traditionnellement francophones qui ont rejoint le camp du Commonwealth, comme le Gabon, plusieurs indicateurs nous pousse à nous interroger sur le sort de la Francophonie. Certes, la suprématie de la langue de Shakespeare sur celle de Molière est d’une évidence évidente. Son universalité politique, économique, culturelle et scientifique n’est plus à démontrer. D’ailleurs, les Français eux-mêmes ont été acculés à tourner le dos à leur langue à l’international pour diffuser leurs philosophies et leurs recherches.
Mais ce qui attire le plus ces pays qui ont quitté le navire francophone, comme le Rwanda, c’est certainement le British Style qui respecte et promeut la diversité, favorise l’émergence et l’autonomie des pays particulièrement ceux en développement. Cette démarche est d’autant plus tangible que la Grande Bretagne, avec sa sortie de l’UE, accorde désormais une importance cruciale au Commonwealth pour nouer davantage de relations commerciales dans un marché comptant un tiers de la population mondiale. A ce propos, la déclaration à l’AFP du ministre Togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, est on ne peut plus claire : « L’adhésion du Togo au Commonwealth est motivée par le désir d’étendre son réseau diplomatique, politique et économique (…) et de se rapprocher du monde anglophone (…) elle permet également à la nation en développement de 8,5 millions d’habitants (Togo) de redéfinir les relations bilatérales avec le Royaume-Uni en dehors de l’UE après le Brexit ».
Si la régénération du Commonwealth efface progressivement l’héritage colonial britannique en s’érigeant en un espace économique dynamique, le style encore et toujours paternaliste de la France en Afrique, reflet de sa politique étrangère néocoloniale, condamne le monde Francophone à demeurer une coquille vide sans intérêts économiques et diplomatiques pour ses membres. Mais le tournant géopolitique majeure qui risque d’impacter à l’avenir la Francophonie est le rejet agressif de la présence française dans certains pays africains francophones, tel que le Niger. Ces Etats ont affirmé leur ferme volonté de couper le cordon ombilical avec l’ancienne puissance coloniale en rompant les relations bilatérales à travers notamment la dénonciation des accords militaires qui autorisaient le pré-positionnement des forces françaises et en s’ouvrant sur d’autres partenaires économiques et commerciaux autres que la France.
Ce rejet en bloc du système politique, économique et sécuritaire français en Afrique pourrait s’étendre à la langue française, expression la plus apparente de la domination de la France. C’est déjà le cas au Rwanda où la langue de Victor Hugo a cédé la place à la langue de Caryl Churchill comme langue d’enseignement et d’administration. Le Mali a proclamé une nouvelle constitution, le 23 janvier 2023, reléguant le français au rang de langue de travail. Cette négation du français pourrait se répandre comme une traînée de poudre dans les autres pays francophones africains dont les jeunes suivent déjà les films de Hollywood en Version Originale (VO). Et ce n’est pas la politique restrictive de l’octroi des visas en France qui redorera le blason de la Francophonie !
This work by HAGROURI Ali is licensed under CC BY-NC-ND 4.0
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