BRICS

LES CONTRADICTIONS DES BRICS.

BRICS is marked with CC0 1.0

Les BRICS, ce mammouth du 21ème siècle, semble prédisposer à prendre le relais de l’occident et à tracer une nouvelle destinée pour l’humanité. Mais ses contradictions en font toujours un colosse aux pieds d’argile.

             « En ce moment même, il y a des changements comme nul n’en a vu depuis cent ans, et c’est nous qui les pilotons ensemble».      Xi Jinping.  

Ce mot de la fin de la visite Xi Jinping en Russie, le 21 mars 2023, en dit long sur l’objectif inavoué de ce sommet sino-russe. Le nouveau Grand Timonier de l’empire du Milieu vient ainsi de déterrer la hache de guerre contre un occident qui essaie de le contenir, en mode défensif et surtout en ordre dispersé. Trois semaines plus tard, c’est au tour de Lula da Silva, président de la première économie d’Amérique Latine, d’entamer une visite à Pékin pour un sommet sino-brésilien. Ces deux sommets, à intervalle court, ont mis au goût du jour les BRICS qui, après une phase de flottement voire de stagnation, semblent incarner la combinaison gagnante pour accompagner la nouvelle ère promise par Xi Jinping à Moscou.

Force est de constater que, bien qu’informel, ce club commence, bon an, mal an, à engranger des succès dans la voie de la promotion d’une multipolarité multidimensionnelle, en rupture avec l’ordre établi pro-occidental. Il y a d’abord la création de la Nouvelle Banque de Développement pour contrer le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale où les BRICS ne disposent que de 15 % des droits de vote. Il y a aussi la succession d’accords pour libeller les échanges commerciaux en monnaies nationales au grand dam du dollar, dans la perspective d’instaurer une monnaie unique dans la zone BRICS. Le projet de création d’une agence de notation des BRICS est également en gestation visant à se débarrasser des évaluations du trio dominateur composé de Standard and Poor’s, Moody’s et Fitch, jugé partial à l’endroit des pays émergents et ceux en voie de développement.

En dépit de ces prouesses, favorisées par leur poids dans l’échiquier économique mondial (25% du PIB mondial) et par leurs atouts en termes notamment de richesse en ressources naturelles et humaines (42% de la population de la planète), l’ambitieuse volonté des BRICS d’émerger, comme un contrepoids au bloc occidental, demeure minée par des courants contradictoires qui traversent ses membres.

Le projet des BRICS est fondé sur un principe « révolutionnaire anti-occidental ». Pour que cette coalition, informelle à la base, mute vers une alliance institutionnalisée, ses membres doivent s’accorder sur une charte fondatrice où les Etats Parties seraient égaux. Or, il apparait peu probable que la Chine, avec son goût de plus en plus immodéré pour la domination, accepte d’avoir les mêmes privilèges que l’Afrique du Sud. En effet, de par sa puissance économique et militaire, la Chine reste franchement au-dessus de la mêlée et semble utiliser finement les quatre autres pays des BRICS pour assoir son hégémonie mondiale matérialisée notamment par sa nouvelle route de la soie. Par ailleurs, la médiation, à priori réussie, entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, consacre désormais la stature politique et diplomatique internationale de la Chine dont l’influence était, jusqu’à présent, circonscrite au secteur économique.

Affaiblie par sa guerre en Ukraine, la Russie constate, impuissante et non sans amertume, la Chine entrain de lui ravir la place de leader au sein du groupe des BRICS, elle qui était autrefois le maître absolu de la constellation communiste. Le maître du Kremlin est contraint, pour le moment, d’accepter sa vassalisation envers Xi Jinping, seule voie pour échapper à son isolement international et à l’étouffement de son économie. Cette soumission forcée ne manquera certainement pas de créer un malaise dans les relations sino-russes en dépit de la convergence de vues affichée par Xi Jinping et Poutine.

Avec le retour de Lula da Silva au pouvoir, le Brésil a fait son come-back sur la scène internationale. Le fait qu’il ait visité successivement l’Argentine, les Etats-Unis et la Chine montre clairement que Lula ne compte pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Mieux encore, il semble déployer une politique opportuniste tous azimuts pour tirer parti de la multipolarité en marche. Considéré comme un des principaux leaders du Sud Global et un des fervents défenseurs du multilatéralisme, Lula joue manifestement les acrobates entre le bloc occidental et le bloc antioccidental pour garantir les intérêts de son pays.

Oscillant entre partenaire et ennemi, la relation de l’Inde avec la Chine est ponctuée de conflits armés en raison d’un diffèrent frontalier. New Delhi, qui n’a jamais choisi clairement son camp entre Washington et Pékin, joue aussi sur les deux tableaux en militant pour une réaction antioccidentale au sein des BRICS et en appuyant la posture américaine antichinoise au sein du « Quad » (Dialogue de sécurité quadrilatéral) pour contrecarrer les velléités hégémoniques de la Chine dans la zone indopacifique.

Dernier venu au club, l’Afrique du Sud semble, à priori, une erreur de casting et un boulet pour l’avancée des BRIC. Sa comparaison, économiquement, financièrement, démographiquement et militairement avec ces quatre puissances, n’a même pas lieu d’être. Néanmoins, son adhésion, voulue par le groupe, complète le tableau du Sud Global en conférant aux BRIC cette couleur africaine. Une asymétrie pour donner du crédit à l’esprit fondateur des BRIC et marquer ainsi la différence avec les autres instances comme le G7 où siègent exclusivement les pays les plus riches du monde.

L’ironie du sort, c’est qu’en fin de compte, pour faire front uni contre l’occident, les BRICS doivent surmonter leur égoïsme économique, leur hypocrisie diplomatique et leur unilatéralisme politique ; traits de caractère reprochés justement à l’occident !

This work by HAGROURI Ali is licensed under CC BY-NC-ND 4.0

Publié

dans

Étiquettes :

Commentaires

Laisser un commentaire